header_img_desc

Le Nouvel An Malagasy

Le Nouvel An malagasy, connu sous le nom de « Taombaovao Malagasy est un véritable trésor renfermant les valeurs et l’essence même de l’identité historique et culturelle de Madagascar. Initialement célébrée par la royauté des hautes terres dès le XVIème siècle, puis célébré en secret après son interdiction par les autorités coloniales françaises en 1897, cette fête a connu une résurgence significative depuis les années 1990. Allons découvrir ensemble l’origine, les éléments essentiels qui la caractérisent, ainsi que de sa célébration contemporaine.

L’Origine du Nouvel An Malagasy

Le Roi Ralambo (1575-1610) a introduit la célébration officielle du Nouvel An dans l’Imerina. Il voulait renouveler sa sacralité le jour de son anniversaire qui était le premier jour du mois d’Alahamady, également le premier jour du mois lunaire d’Alahamady, considéré comme le premier jour de l’an Malgache.

La première célébration a eu lieu en 1575 apr. J.-C. à Ambohidrabiby (son lieu natal), également connue sous le nom de « Hasin’Imerina ». Le Roi Ralambo croyait qu’en pratiquant le « Fandroana » ou le bain royal pendant la célébration de ce jour, il régénérait sa sacralité et purifiait ainsi l’univers. La célébration se fait jusqu’à aujourd’hui sur les 12 collines sacrées de l’Imerina et consistait à allumer un feu appelé « feu éternel », sacrifier un zébu royal ainsi que d’autres pratiques que nous verrons dans les éléments essentiels qui caractérisent cette fête.

Avant que le royaume Merina n’unifie Madagascar à la fin du XVIIIe siècle, chaque région de l’île avait ses propres coutumes pour célébrer le Nouvel An. Ce fut une époque où chaque région de l’île avait son propre calendrier également. L’unification de tous les royaumes ethniques sous le Royaume de Madagascar a introduit une uniformisation, et le Nouvel An était, de ce fait, fixé au premier jour du mois d’Alahamady, signalant la fin de la saison des pluies et le début des récoltes de riz. Cette période était marquée par des festivités, reflétant la puissance, le pouvoir royal et la richesse.

Les Valeurs que renfermait le Nouvel An Malagasy

Au cœur du Taombaovao malagasy se trouve des valeurs profondes qui renferment l’identité des Malagasy même. Cette célébration a pour but de rétablir les liens culturels, favoriser la réconciliation et renforcer le « Mihavanana » ou la solidarité malagasy.

Ainsi, la purification du cœur, de l’esprit et de l’environnement constitue le fil conducteur de cet événement. Les festivités sont guidés par des principes fondamentaux tels que la foi au Créateur, la valeur de la vie, le sens du sacré, l’entraide, la solidarité, l’équité, la justice, le bonheur, et l’attachement aux héritages ancestraux.

Ces fondements philosophiques malgaches imprègnent chaque aspect de cette tradition, faisant de lui une célébration profondément enracinée dans la culture du pays, véhiculant des valeurs essentielles qui sont des repères pour la communauté malgache.

Les éléments essentiels qui caractérisaient le nouvel an malagasy

Le calendrier malgache se réfère à la cycle lunaire. En particulier, le premier jour d’Alahamady be qui se démarque dans ce calendrier est considéré comme un jour sacré. Il correspond à l’apparition de la premier lune du mois d’Alahamady. Ce jour se situe entre mois de Mars et le mois d’Arvil dans le calendrier grégorien.

Voici les pratiques essentielles qui marquaient la célébration du nouvel an au cours de la période de la Royauté Malagasy :

Le Fandroana ou Bain Sacré

L’inauguration des festivités s’opère avec le Fandroana, un bain sacré empreint de sacralité, célébré la veille du Nouvel An. Son dessein est de purifier le roi, ses sujets et l’ensemble de l’univers. Paré d’une nouvelle étoffe pourpre en soie confectionnée par les Andriandoarimanjaka d’Ambohidrabiby, le roi s’immerge dans le coin nord-est, également désigné comme « zoro firazanana » ou « zoro alahamady ».

Le Afo Tsy Maty et le Andro Tsy Maty

L’après-midi précédant le Nouvel An, la cérémonie du Afo Tsy Maty (feu éternel) rassemble la communauté, suivie du « arendrina » (lampions), une procession où femmes et enfants parcourent leur village sept fois avec des lampions pour éloigner les mauvais esprits. La lueur des bougies symbolise la vie, la chaleur et le bonheur. La nuit se prolonge avec le Andro Tsy Maty (nuit blanche), une veillée où le feu du Afo Tsy Maty doit demeurer allumé jusqu’à l’aube.

Le Santatra

Au lever du jour du Nouvel An, les Malgaches renouvellent leur intérieur en remplaçant les nattes usées par des neuves, et en enfilant des vêtements neufs symbolisant un renouveau personnel.

Le Safo-Rano Misandratr’andro

Un rituel matinal voit les parents accorder le « tso-drano » ou la bénédiction à tous les participants. De l’eau pure, chauffée dans une cruche en argile, est prélevée tôt le matin et déposée dans la case du roi. Les participants plongent leurs mains dans l’eau bénie, puis les posent sur leur tête en énonçant des vœux de bonheur et de prospérité, dédiés à Andriamanitra Andriananahary ou Dieu.

Le Tatao

Après le rituel du Tso-Drano, les assistants du roi réalisent le Tatao, plaçant du riz arrosé de lait et de miel sur leur tête, symbolisant la protection contre la mort et les vœux d’une meilleure vie pour la nouvelle année.

Le Nofon-Kena Mitam-Pihavanana

Ce rituel incarne la valeur du « Fihavanana » à travers le partage de viande de zébu. Des « omby volavita » (zébus rouge et blanc) offerts par la famille proche du souverain sont sacrifiés, puis distribués parmi le peuple.

Le Zara-Hasina

Le rituel d’offrandes aux ancêtres se manifeste en signe de gratitude pour les bénédictions accordées aux descendants, notamment l’offrande d’épis de riz visant à éradiquer la famine, perçue comme l’ennemi du peuple par les Malgaches.

L’Évolution des appellations du Nouvel an Malagasy et les adaptations au cours de l’histoire

L’appellation du Nouvel An Malagasy a évolué. Avant l’arrivée du christianisme en 1810, il était également connu sous le nom d’« Alahamadibe », mais les rois convertis ont préféré l’appeler « Fandroana » (bain royal). Sous la Reine Ranavalona III (1881-1896), la date a été déplacée au 22 novembre. Pendant et après la colonisation française, le terme « Asaramanitra » a été utilisé pour diverses célébrations, tels que la fête nationale française du 14 Juillet, La fête de l’indépendance du 26 Juin et le 1er Janvier. De ce fait, afin de marquer une distinction claire avec les anciennes appellations, « Taombaovao Malagasy » a été adopté pour désigner le Nouvel An malgache, écartant les connotations liées aux traditions anciennes des royaumes merina.

La célébration du Nouvel An Malagasy pendant la période coloniale jusqu’en 1990.

Durant la période coloniale à Madagascar, qui a duré du 19ème au 20ème siècle, le pays a connu des changements importants. Les colonisateurs français ont introduit de nouvelles coutumes, langues et religions, notamment le christianisme. La population du pays était divisée en différents groupes, certains groupes étant mieux traités que d’autres. De nombreuses personnes ont été contraintes de travailler dans les plantations, tandis que d’autres ont été exploitées pour leur travail.

Parmi les changements apporté par la colonisation était l’interdiction de la célébration du Nouvel An Malagasy en 1897. Les gardiens de cette pratique faisaient la célébrations en cachète jusqu’en 1990 où l’on commençait à reprendre les célébrations en publique.

Les Valeurs et Signification Contemporaine du nouvel an Malagasy

La célébration contemporaine du Nouvel An malgache a été sujets de controverses et a connu des adaptations suites aux chocs culturels et politiques à Madagascar. Des changements ont été appliqué surtout dans la formes, c’est à dire la pratique. En effet, il se différencie du 1er janvier par son accent sur la purification, la réconciliation et le renforcement du « Fihavanana« . Préservant ainsi la culture qui est un pilier de l’identité du peuple Malagasy.

De nos jours, la célébration du « Taombaovao Malagasy », transcende les distinctions royales, ethniques ou religieuses. Il s’agit d’une fête nationale et populaire, délibérément dépourvue de toute discrimination. Le Centre Culturel Malgache, appelé Trano Koltoraly Malagasy, veille à ce que la célébration ne soit associée à aucune pratique religieuse spécifique, éliminant notamment les cultes des « sampy » (idoles), les sacrifices d’animaux et les cultes des tombeaux. Cependant, certains éléments tels que l’allumage des « afo tsy maty » (feux éternels), le port des « harendrina » (lampions) et les « tsodrano » (bénédictions) restent préservés par certains groupes (généralement des descendants de l’ancienne lignée royale), et peut varier d’une région à une autre.

Le Trano Koltoraly Malagasy souligne également que la célébration du Nouvel An malgache ne doit pas être imposée selon les rituels d’un groupe ethnique, d’un village ou d’une famille spécifique. Au contraire, elle est déclarée comme la fête de tous les Malgaches, sans distinction d’origine, d’ascendance, de sexe ou de religion. L’organisation de l’événement est laissée à la liberté des organisateurs et des régions, encourageant même l’adoption des couleurs spécifiques à chaque région pour enrichir la célébration à travers tout Madagascar.

Les pratiques religieuses, artistiques et autres secteurs d’activités sont libres de célébrer de manière variée, reflétant ainsi la diversité culturelle du pays. Par ailleurs, il est noté que les rituels associés à cette célébration ont évolué au fil des siècles, passant de cultes des morts et de pratiques païennes avant l’avènement du christianisme, à des célébrations inspirées des pratiques chrétiennes pendant la période des royaumes malgaches.

La date du nouvel An Malagasy pour ce 2024

Les promoteurs de la célébration du nouvel an malgache ont récemment fixé deux dates pour les festivités cette année, annonçant que le « Taom-baovao Fidiovana » aura lieu ce 11 mars 2024 et le « Taom-baovao Lohataona » le 6 septembre.

La descendante royale et organisatrice du mouvement, Fenosoa Ratsimamanga Ralandison, a partagé cette information lors d’une conférence de presse à Anatirova. Motivés par leur amour pour la culture malgache, les défenseurs de la tradition ont également appelé l’État à officiellement déclarer ces deux journées comme des jours fériés, chômés et payés, afin de permettre à tous les Malgaches de célébrer ces occasions de manière appropriée, suivant ainsi le modèle du nouvel an du calendrier grégorien.